-Résumé :
  • Justification :

La gouvernance du continent africain et les efforts d'intégration présentent des trajectoires distinctives par rapport à d'autres régions mondiales. Historiquement ancrée dans l'unité politique et la préservation de la souveraineté, la gouvernance africaine a évolué à travers une interaction complexe d'adoption normative, d'adaptation et d'agence indigène. Cette recherche vise à analyser les cadres normatifs qui façonnent la gouvernance africaine, en examinant de manière critique les influences extérieures, les biais inhérents et les dynamiques de l'agence africaine dans la création de normes et d'institutions de gouvernance. L'Afrique, avec son vaste étendue géographique et sa population diversifiée, s'est lancée dans un ambitieux projet d'intégration continentale visant à l'unification politique et économique. Contrairement à l'expansion graduelle et à l'accent économique de l'Union Européenne, l'intégration africaine a souligné l'unité politique pour éradiquer les legs coloniaux. Le panafricanisme, incarné par des leaders comme Kwame Nkrumah, a plaidé pour une États-Unis d'Afrique fédérée pour contrer les risques de fragmentation et de néo-colonialisme. Cependant, l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) a privilégié la souveraineté et l'intégrité territoriale, naviguant entre visions concurrentes de l'intégration au milieu de pressions internes et externes.

Les normes de gouvernance africaines reflètent à la fois les héritages coloniaux et les adaptations postcoloniales. Les fédérations coloniales d'avant l'indépendance et les organisations régionales ont influencé les structures institutionnelles, conduisant souvent à une hystérèse normative, où les pratiques coloniales persistaient après l'indépendance. Par exemple, l'Union Douanière de l'Afrique Australe (SACU) et la zone franc CFA illustrent des cadres économiques de l'ère coloniale qui ont façonné l'intégration régionale. Ces structures ont été transformées par la suite à travers des initiatives comme le Traité d'Abuja (1991), qui envisageait un marché commun continental, et l'Agenda 2063, qui souligne le positionnement mondial de l'Afrique.

Le tournant néolibéral dans les normes de gouvernance, influencé par les politiques d'ajustement structurel de l'après-Guerre Froide, a réorienté l'intégration africaine de la souveraineté politique vers la croissance économique axée sur le marché. Des initiatives comme le Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique (NEPAD) soulignent ce changement, alignant les normes de gouvernance avec les paradigmes de libéralisation globale tout en intégrant des perspectives externes et indigènes.

Les cadres dominants dévaluation de la gouvernance africaine reflètent souvent les normes centrées sur l'Occident, telles que la bonne gouvernance, la démocratie et l'efficacité de l'État. Ces cadres risquent de mal représenter la dynamique africaine en imposant des critères externes sur des contextes locaux divers. Par exemple :

1.    Démocratie : Le concept a évolué des luttes pour l'indépendance pour englober les droits humains et la gouvernance participative, reflétant les spécificités historiques et culturelles.

2.    Indicateurs de Développement : Des indicateurs comme l'Indice de Développement Humain (IDH) mettent l'accent sur des constructions normatives plutôt que sur des réalités contextuelles.

3.    Souveraineté : La délimitation linéaire des frontières contraste avec les systèmes de gouvernance spatiale indigènes, soulignant les limites des cadres importés.

4.    Évaluations Institutionnelles : Les États africains sont souvent étiquetés comme faibles ou défaillants lorsqu'évalués contre des normes décontextualisées, sapant leurs pratiques de gouvernance uniques.

Pour aborder ces biais, cette recherche plaide pour une compréhension contextualisée des normes, reconnaissant la nature pluraliste et évolutive de la gouvernance en Afrique.

L'agence africaine, comme le démontrent l'Union Africaine (UA) et son Architecture de Gouvernance Africaine (AGA), joue un rôle pivot dans la formation des normes de gouvernance. Les initiatives de l'UA sur le changement climatique, la migration et la consolidation de la paix illustrent sa capacité à articuler des positions africaines collectives. Cependant, les dynamiques de pouvoir normatives s'étendent au-delà des cadres institutionnels, englobant les engagements multilatéraux et les communautés épistémiques localisées. Cette recherche souligne l'importance d'identifier ces acteurs et leurs contributions à la création de normes.

  • Méthodes :

Pour étudier les dynamiques normatives de la gouvernance africaine, cette recherche emploie un cadre méthodologique multi-niveaux :

1.    Niveau Global : Les approches post-positivistes en théorie des relations internationales analysent les discours, les dynamiques de pouvoir et les transferts normatifs, remettant en question les hypothèses eurocentriques.

2.    Niveau Régional : L'analyse comparative des politiques publiques souligne la particularité de la gouvernance africaine au sein du système mondial, en mettant l'accent sur les facteurs contextuels et historiques.

3.    Niveau Local : Les études éthnométhodologiques explorent les représentations et les préférences des acteurs locaux, incorporant les systèmes de connaissances indigènes dans l'analyse de la gouvernance.

Cette méthodologie intégrative cherche à équilibrer la rigueur des approches classiques avec l'inclusivité des perspectives localisées, favorisant une compréhension complète de la gouvernance africaine.

Les analyses feront l'objet de la publication d'un livre (Yousra Abourabi, Julien Durand de Sanctis Jean-Noël Ferrié. Gouvernance Continentale Africaine : Tendances Normatives et Défis de l'Agence), pour lequel un contrat a été signé avec Palgrave MacMillan Eds, 250 p) et dont la publication est prévue pour la fin de 2025.

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